Swed Oner : “J’essaie de pousser le réalisme à son paroxysme dans chacune de mes peintures”
Rencontre, observation et réalisme sont les leitmotivs de l’œuvre de Swed Oner. Dans ses portraits en noir et blanc enveloppés d’une auréole lumineuse, l’artiste de 35 ans qui tient son atelier à Uzès dans le Gard, tend à dévoiler des visages empreints d’humanité.
Peux-tu me parler de ton parcours ?
J’ai connu le muralisme grâce au graffiti à mon adolescence dans les années 1997 et 1998. C’est ce qui m’a amené à peindre sur des murs. Mais j’ai aussi toujours été sensible à toute forme d’art. Ma grand-mère peignait beaucoup de portraits par passion. J’ai donc fini par faire un lien entre mon amour de la peinture murale et le portrait sur lequel j’ai commencé à travailler il y a trois ans environ. C’est à ce moment là qu’un certain nombre d’événements, notamment personnels comme la naissance de ma fille, m’ont poussé à me remettre en question. J’ai décidé d’aller plus loin dans mon travail et d’y engager davantage de choses. Je crois que j’ai aussi eu un réel désir de liberté, de ne plus appartenir au système salarial, d’être indépendant et de faire ce que je désirais faire quand je le voulais.
Comment choisis-tu les personnes et les lieux que tu vas peindre ?
Soit je peins dans les festivals et dans ce cas je ne choisis pas, soit je peins de manière indépendante et je pense alors que c’est une question de hasard. Il y a une sorte de coup de foudre qui s’opère avec les personnes que je rencontre. J’aime beaucoup me balader, découvrir de nouveaux lieux et de nouvelles villes, c’est au cours de ces ballades que la magie s’opère. Je n’ai pas réellement d’explication sur la manière dont je choisis les personnes, peut-être parce que ce sont elles qui me choisissent !
Comment décrirais-tu ton univers artistique ?
Je travaille essentiellement sur le portrait réaliste en noir et blanc avec une démarche assez singulière qui est de prendre en photo des personnes que je croise dans la rue, pour ensuite les reproduire en peinture, et quand je peux le faire, les reproduire dans le lieu où je les ai rencontré. Je fais alors une peinture sur mur et une peinture sur toile dans mon atelier. Il s’agit du même portrait et pourtant il est toujours un peu différent. Le travail en atelier est plus introspectif, je suis seul, au calme et je peins une toile qui a vocation à rester pérenne.
Les portraits sont toujours peints en noir et blanc et entourés d’une auréole. Je travaille avec du noir et du blanc car même si je trouve que la couleur est très belle, elle peut être un maquillage, or je cherche vraiment à épurer mon travail et à aller à l’essentiel. Je veux focaliser l’esprit des personnes qui regardent mes peintures sur l’expression humaine qu’il y a derrière les visages que je peins. L’auréole correspond à la symbolique du cercle qui par définition correspond à l’égalité de manière géographique et donc à l’égalité des hommes avec un grand H. Mes portraits sont très réalistes, probablement parce que je suis aussi le fruit de mon époque. J’ai besoin d’être encré dans le réel, d’être rattaché à des choses très terre à terre et aux humains tout particulièrement. J’essaie de pousser le réalisme à son paroxysme dans chacune de mes peintures.
Tu peins des personnes rencontrées dans la rue et des personnes de la rue. Cherches-tu à transmettre un message particulier de cette manière ?
Il y a un projet que j’ai entrepris il y a deux ans, Support Your Local Homeless, qui me permet de mettre en valeur les personnes sans-abris. C’est un projet qui me tient très à cœur car c’est une manière pour moi de donner un peu d’estime à ceux qui n’en ont pas énormément. Si par une peinture, je peux mettre un peu de lumière sur ces personnes-là et leur apporter une once de bonheur, c’est super. Ensuite, c’est une part de mon travail mais je peins surtout des personnes rencontrées dans la rue parce que c’est le lieu de la rencontre et de la diversité dans lequel il n’y a plus de communautarisme. On peut aussi bien y rencontrer un homme qu’une femme, une personne jeune qu’âgée, de telle religion ou d’une autre. Je cherche à représenter l’humain dans son ensemble.
Dans tous les portraits que tu as peins, y a-t-il une ou des rencontres qui t’ont particulièrement marqué ?
Toutes les rencontres que j’ai pu faire m’ont inspirées et portées. Ensuite, j’ai été très marqué par ma rencontre avec Maryse, une dame de 98 ans que j’ai rencontré par hasard à Colmar. La vitalité et la joie que dégageait cette femme qui était encore totalement alerte étaient incroyable. Cet échange intergénérationnel était très chouette. Aujourd’hui je n’ai plus la chance d’avoir mes grands-parents et c’est vrai que la rue est pour moi un moyen de renouer un dialogue avec des personnes d’autres générations. J’ai aussi rencontré dans des circonstances assez rocambolesques, Gilbert, une personne sans abri vivant à Marseille. J’avais été sur sa piste pendant toute une journée avec les centres sociaux qui m’aiguillaient sur l’endroit où il vivait, puis finalement je suis tombé par hasard sur lui sans savoir qui il était. On a eu un très bel échange ensemble. Je pourrais en citer plein d’autres !
Retrouvez le travail de Swed Oner sur ses pages Facebook et Instagram
Propos recueillis par Pauline Bonnemaison
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